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11 mars 2008

Mahfoudi

mahfoudi - marocaudio
Le répertoire de Mahfoudi, le de « Sebt Lgzoula » est régulièrement pillé par des artistes de renom. Reportage au coeur d’une sombre histoire.
Il y a des endroits où l’on s’arrête par hasard. « Sebt Gzoula » en est un. Cette petite bourgade située à 25 km au nord de fait partie de ces villages trop vite grandis, défigurés par l’exode rural, par l’ennui et le chômage qui touche une bonne partie de sa jeunesse.

Des jeunes qui s’enfuient vers ou vers des « pâturages plus verts ». Les plus chanceux travaillent à l’usine de conserves de câpres pour 25 DHS par jour ou occasionnellement le jour du souk. Ils font la fortune de l’unique « guerrab » de la bourgade : chaque samedi, ils traînent leurs guêtres avec du mauvais vin dans les prés avoisinants Sebt Gzoula. Pour les plus rêveurs, il y a toujours l’exemple de Haddou, ce talentueux footballeur repéré par le Raja. Il restera quelques semaines au centre de formation avant de retourner dans son village. Espoir déçu.

La déception a été aussi grande pour ces petits agriculteurs qui ont fini par plier bagage. Les égouts à ciel ouvert qui traversent la bourgade ont fini par toucher la nappe phréatique : la consommation des produits maraîchers locaux est ainsi devenue plutôt risquée. Reste quelques personnages comme les frères Karim, l’un est président du conseil communal, l’autre est aussi un élu puissant. Ils sont les patrons du village, propriétaires du café où s’arrêtent les bus reliant et . Un hammam porte même leur nom. Reste aussi deux troubadours. Hassan Ba Amrani est parolier. Enfin, quand il peut. Il est plutôt marchand ambulant le jour et la nuit. Dans la pièce qui lui sert de maison, il cohabite avec la seule et véritable gloire de la région : El . Chaque nuit avec son Outar, ce de 37 ans, mais qui en paraît 50, compose les poèmes écrits par Hassan. A eux deux ils ont réalisé des tubes dont quelques uns se sont vendus à des centaines de milliers d’exemplaires. Pourtant, ils vivent dans le dénuement le plus total. « On était attablé une après-midi au café lorsque quelqu’un a mis une cassette de , le populaire. Il a commencé une en rendant hommage (”tahia”) à et à Ba Amrani. Nous n’avons pas réalisé jusqu’à ce que l’on reconnaisse une de nos créations “youm yachbah youm” », raconte El . Partagé entre le sentiment de fierté, d’être reconnu et par le sentiment de s’être fait voler, il laisse couler. « On a décidé de fermer les yeux, mais la saignée ne s’est pas arrêtée » “T’mnit nchoufek”, “baghi n’nsaha”, “T’nsa lbarah n’iich l’youm” » “Daqt men laâdab ketir” se sont retrouvés dans les répertoires de deux des plus grands chanteurs de chaâbi, Abdelaziz et . Dans ce village où les gens ont plutôt l’habitude de courber l’échine et de renoncer face au destin, personne ne les encouragera à se rebeller. Tous les 6 mois sortait une cassette réalisée grâce aux bons soins de son producteur local, tous les six mois elle était piratée. « Mon producteur Hamzaphone investit 100 000 DHS sur mes cassettes. Que peut-il faire face aux millions d’exemplaires produits à Casablanca. Pas grand-chose ». va continuer son bonhomme de chemin happé par sa passion.

Ce fils d’un imam très conservateur du douar Lemdah (situé à six kilomètres de Sebt Gzoula) a toujours culpabilisé d’être dominé par l’Outar, cet instrument de qui exhale des sanglots. Un de ses frères est instituteur, l’autre a fait des études supérieures avant de rejoindre la cohorte des chômeurs. est resté fidèle à son destin dans la grande tradition des “ghiwaniines”. Il aura suffi d’un entrefilet publié par notre confrère du quotidien “Assabah” signé Saïd Bounaouar, pour que les choses prennent une tournure différente. « et ont gagné des millions de dirhams avec “hakmat aliha Dorouf” écrite et composée par Hassan et El », souligne ce producteur casablancais. « A un moment donné ils devaient partager avec une part du gâteau surtout que l’affaire commençait à s’ébruiter », rajoute-t-il. Abdelaziz sera le plus prompt à réagir, il va se déplacer jusqu’à Sebt Gzoula et donnera la “respectable” somme de 20 000 dirhams à notre duo.

« s’est bien comporté avec nous », souligne Mahfoudi. « On ne peut pas en dire autant de », regrette-t-il. Lorsqu’ils prennent contact avec le frère de la star du châabi dans un café de la route de Médiouna à Casablanca, l’échange est cordial. « ?a s’est plutôt bien passé : Khalid nous a promis de nous dédommager à hauteur de 20 000 Dhs. Il nous a donné une avance de 1700 DHS et l’on n’a plus jamais entendu parler de lui » ajoutent et Ba Amrani. Plus vicieux encore, celui qui se considère comme le manager de demande à Ba Amrani de lui signer une cession des droits sur ses chansons, un papier qui ne sera évidemment jamais légalisé. « Je l’ai signé sans savoir de quoi il s’agissait, sachant que j’espérais qu’il me verse par la suite le reliquat des 20 000 dirhams. Il m’avait en plus promis qu’il nous ferait travailler », explique Ba Amrani. Face aux titans casablancais il n’y a pas grand-chose à faire. Porter l’affaire en justice reviendrait trop cher et prendrait beaucoup de temps. Du coup, écume les mariages locaux et ceux de . Il arrive à gagner jusqu’à 3000 DHS par mois. Plus rarement de riches safiots installés à Casablanca le convient à animer des soirées. Grâce à cela, il peut mettre du beurre dans les épinards. « Si l’on prend juste “hakmat aliha Dorouf” chantée par et , l’on peut aisément dire que cette a rapporté au bas mot 10 millions de dirhams », affirme ce producteur Casablancais.

L’histoire de Mahfoudi, c’est celle d’un créateur, d’une âme et d’une sensibilité qui ont touché des millions de Marocains. Celle d’un personnage issu de ce profond, féodal, qui fait renoncer à toute forme de rébellion et de révolte. Il en est une des victimes passives. Il n’a jamais enregistré ses chansons au bureau des droits d’auteur, il n’a que sa bonne foi et les bordereaux de dates de sortie de ses cassettes. De toute façon, c’est trop cher et trop loin. ?a tient à cela.

Younes Alami | Le Journal Hebdo

Ecouter  Mahfoudi

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Adil
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